vendredi 21 mai 2010

The Cure - Disintegration (Deluxe edition) (2010)


En ces temps de disette consommatrice dans le domaine du disque, Universal Music se décide enfin à sortir 21 ans plus tard le disque le plus abouti de la discographie de The Cure. Pour la première fois de leur carrière, le visage de Robert Smith, noyé sous des néons de fleurs, apparait sur une pochette du groupe. Comme une symbolique, était ce un désir d'afficher au grand jour une trace plus humaine du génie anglais qui jusqu'à présent nous avait uniquement gratifié de son ombre fantomatique sur 'the head on the door' ainsi que de ses lèvres et de la pupille d'un de ses yeux sur 'kiss me kiss me kiss me'.
C'est toutefois le contenu et non le contenant qui importe à mes yeux et davantage encore à mes oreilles. Dès la fin du retentissement des cloches du majestueux 'plainsong', les nappes synthétiques de Roger O' Donnell envoutent et s'affichent comme lors d'une cérémonie d'ouverture. Le monumental morceau puise sa force dans une harmonie d'instruments sur laquelle Robert Smith place sa voix avec solennité. S'ensuit les sept minutes du désormais classique 'pictures of you', second single extrait de l'album, avant le douloureux 'Closedown' et sa batterie martiale. Une fois encore les claviers de O' Donnell génèrent une atmosphère somme toute oppressante. Puis surgit 'lovesong' l'ode luminueuse à la bien aimée de toujours, Mary Poole. Un single rempli d'une intensité et façonné dans ce cri d'amour désiré comme éternel.
'Last dance' replonge dans la noirceur, évoquant par moments l'ambiance exterminatrice de 'pornography'. Cette plainte relative à la touche finale d'une histoire d'amour s'achève dans une danse macabre. 'Lullaby', single arachnéen, constitue un des plus gros succès commercial du groupe. Cette ballade au chant quasi murmuré par le leader à la coiffure en toile d'arraignée a été magnifiquement portée à l'écran dans ce video clip traumatisant pour bon nombre d'enfants. L'explosif 'Fascination street' et ses gémissements lanscinants de guitares électriques constitue le titre le plus percutant de cet album. Il fut préféré en single à 'pictures of you' pour le marché américain.
Si les albums ont souvent tendance à baisser en intensité dans les dernières plages du disque, les cinq derniers titres de ce disque enchanteur en consituent ici certainement son apogée. 'Prayers for rain' et sa tension symptomatique dès ses premières notes enfournent dans une souffrance extrème. Les nappes synthétiques accentuent une fois encore le côté étouffant et sans issue du chant désespéré de Robert Smith. 'The same deep water as you' enfonce un peu plus le clou dans une tragédie digne de 'Roméo et Juliette'. Sous une pluie orageuse et dans un dédale de sonorités accouchées de la guitare de Smith, cette balade sur l'impossible atteinte d'un équilibre harmonieux entre deux êtres sonne le glas dans un adieu irréversible. Le mirage de cet idéal prenant fin dans les mots "in my eyes your smile, the very last thing before I go....". Le cri brutal de 'disintegration' parachève les éprouvantes expériences des deux titres précédents. Sous le martelage d'une batterie écrasante, c'est le corps entier de Robert Smith qui saigne de par l'érosion d'un couple usé de se détruire. Remettant supposément en cause le sacré de l'union "I never said I would stay to the end", l'échec de cette histoire se termine dans un bris de verre, ironiquement presque appaisant. Le drame ne s'arrête pourtant pas là. L'harmonieux 'homesick' et son instrumentation fabuleusement riche à coups de cordes, de pianos, de guitares, basse et batterie, renforcée par les mots et l'inéxorable envie de Smith de tout quitter, dévaste un peu plus ce qui reste de l'auditeur. L'ultime plage de ce chef d'oeuvre achève définitivement l'usure reçue pendant près d'une heure. 'Untitled' et ses sonorités gémissantes dramatisent à jamais un Robert Smith rongé par le mal et le malin. Le fascinant exercice final de guitare smithien débutant au bout de quatre minutes vient se perdre dans les méandres d'une dernière montée de claviers, signant ici enfin la fin d'un disque magnifiquement sombre et intemporel.
Certes, cet album est moins flou que 'seventeen seconds', moins gris que 'faith' et moins sanguinolant que 'pornography', mais la richesse de ce traumatisme évident qui donne le nom à cet disque dépasse les limites de l'entendement.
En bonus, de nombreuses maquettes inédites à ce jour, et pour la plupart instrumentales, enrichissent ce monument déjà si florissant. 'Homesick', 'the same deep water as you' , mais aussi 'plainsong' et 'lullaby' constituent les plages les plus intéressantes à découvrir. Trois titres inédits jusqu'alors ('noheart', 'esten', 'delirious night')et non négligeables font également partie de cette jolie collection de raretés. A noter enfin, la reprise du 'pirate ships' de Judy Collins, uniquement sorti via internet, clôturant le second cd.
Pour terminer, dans une version remasterisée, The Cure nous gratifie sur le troisième cd de la version compléte de 'entreat', rebaptisée 'entreat plus', enregistré live à Wembley en juillet 1989. Irréprochable à tout niveau, ce dernier disque ajoute la pière finale à ce merveilleux édifice qu'est 'disintegration'.

2 commentaires:

  1. bravo, tel beau papier sur un album qui le mérite bien...
    quelques imprécisions (Smith apparaît sur la pochette de Let's go to bed fin 1982 et le single Fascination Street était sorti en 1er single sur le marché américain en même temps que Lullaby pour le reste du monde (la version américaine de Lullaby est sorti peu de temps avant Pictures of You (avec en bside les versions live de Homesick et Unititled qu'on retrouve sur Entreat)
    mais je ne boude pas mon plaisir à la lecture de ce dithyrambe... merci, mille fois merci

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  2. merci pour ce commentaire et pour les corrections Thierry.
    j'ai en effet zappé la pochette du maxi de let's go to bed. (je m'étais juste focalisé sur les albums)
    à bientôt !

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